Toujours du sable! : Voyage entre dunes et plages
Houmt-Souk
L’atterrissage chaotique est indûment salué par l’ensemble des passagers, des touristes-ploucs ravis d’être en vacances, pressés de rougir au soleil, impatients de faire un tour de dromadaire et heureux de vivre en général. En omettant ostensiblement de répondre au salut pourtant poli des hôtesses au sortir de l’avion, j’espère faire sentir ma différence d’avec ces piètres compagnons de voyage et mon mépris pour l’amateurisme flagrant du pilote.
Dehors c’est la nuit tiède du désert. On baigne dans l’odeur rance de bitume et de gasoil du tarmac. Au loin les silhouettes des palmiers entourent l’aéroport.
C’est l’Afrique et tout va bien… Merde !
Hôtel Arisha
Un chauffeur de taxi escroc nous mène, après moult détours, dans un hôtel-caravansérail au passé glorieux et au présent plutôt miteux. Les chambres y donnent sur une large cour carrée ou des arbres fleuris encadrent une piscine vide et poussiéreuse. La peinture s’écaille, les robinets gouttent, des vieux en djellabas causent un peu fort. Tout suinte la misère et l’authenticité…Je me sens un peu mieux. A part nous, que des tunisiens ici. On s’endort dans le paisible brouhaha des conversations en arabe.
Lundi
Houmt-Souk
Réveil a cinq heures by muezzin : Allah Akbaaaaaaaaaaaarrrrrrrrr
Ballade dans la ville. Seul un sourire de façade accompagné d’une politesse infinie, le tout nappé d’une légère couche d’humour permettent de résister avec style et panache aux assauts réitérés et agressifs des commerçants flagorneurs du souk à touristes et ce, sans les vexer à mort.
Hôtel Lotos
Recommandé par des cyber-routardes nipponnes, le Lotos ne tient guère ses promesses. A sa décharge, les chantiers qui le bordent de toutes parts compromettent le calme de ses chambres et, à terme, sa vue prenable sur la mer. Les grands couloirs déserts, les plafonds élevés, les vastes terrasses, tout cela sied cependant aux routards amateurs d’ambiance post-coloniale que nous prétendons être. On établit le campement. Service impècable. L’ hôtel est totalement vide.
Promenade sur la plage des hôtel-club rien que pour dédaigner les touristes obèses. C’est bon de mépriser. On reviendra les voir plus tard.
Mardi
Zarzis
Départ pour le continent via la voie romaine en bus avec les locaux .
Zarzis, Zarzis, Zarzis... Rien à voir, rien à faire, rien à visiter.
Le Clermont-Ferrand tunisien. On boit un bango au bar prés de la station Shell.
On arpente le quartier militaire construit par les Français en front de mer.
Des murs interminables. Les villas des officiers bordent une plage superbe. Une vie de garnison certes
plus confortable qu’à Metz ou à Thionville. De quoi s’accrocher un peu, de quoi
justifier largement les massacres de Bizerte. Un gamin nous suit. On rêve face
à la mer. Quelques touristes en calèche. Le gamin se lasse, s’éloigne. Des
pêcheurs raccommodent les filets. Que d’authenticité ! Ca manque un peu de
misère. Mais que d’authenticité !
Hôtel Nozha
Le guide du routard nous avait prévenus. On y trouve des hôtesses d’accueil pour libyens en goguette. En fait, c’est un claque. Ni plus ni moins. Les filles sont jeunes, vêtues à l’Européennes, à peine trop maquillées. Les clients, en costard, le visage émacié, genre le truand Lee Van Cleef dans « Le bon, la brute et le truand » ne sont guère rassurants. On dîne dans cette ambiance joyeuse et glauque. Uniques touristes, comme d’hab, on nous case dans une aile isolée du bâtiment. Vue sur mer et la RAI à la télé. Vaguement inquiet, je barricade la porte avec la commode et une chaise. Me voici donc, à trente piges passées, dans un bordel africain prêt à soutenir un siège…
Mercredi
Medennine
Pour quelques heures de bus dans une morne plaine qui alterne la steppe et les oliveraies, voici Medennine.
Plus de touristes du tout. Visite des derniers Ksars. Y en ont détruit des centaines. Il en reste deux pâtés pour appâter le touriste. Des trous à rats en terre battue alignés les uns à coté des autres puis empilés sur trois étages. L’intérieur dégouline d’urine, de crasse et d’authenticité. La fierté locale. Thé à la menthe au café central, les Tunisiens sont adorables et communicatifs.
Les restaus semblent si immondes que l’on se contentera de thon en boite, de pain et de « vache qui rit » mangés au lit.
Auberge de jeunesse
Déserte et terne. L’arrivée tardive et inopinée d’un couple de français nous rassure un peu. Des chambres grises, sans meubles dotées d’étroites fenêtres. Un avant goût de la vie carcérale. Longue discussion sur les vertus comparées du seppuku et du 6.35 avant de sombrer dans un sommeil sans rêves.
Jeudi
Matmata
Car. On stoppe à Mareth, contexte propice à de nombreux jeux de mots assez fins. Pour raccourcir le trajet on affrète ensuite un taxi louage rien que pour nous. On aborde enfin la montagne. C’est joli. On renonce provisoirement à l’idée de s’ouvrir le ventre. Arrivée dans le fameux village troglodyte. Xième couscous en terrasse. On observe, goguenards, le ballet grotesque des touristes débarquant par paquets de leurs autocars pour parcourir immuablement un même périmètre restreint dont les limites, quoique imaginaires n’en sont pas moins scrupuleusement respectées par ces Marsiens en short et en sandalettes.
A cinq heures tout ce beau monde a évacué le patelin qui retrouve un calme bucolique et authentique qui nous ravi. Promenade dans les collines. Moments de grâce lorsque que le couchant illumine le désert et la ville. Le passage des troupeaux de chèvres, les jeux des enfants, les palabres des femmes dans les jardins, les gestes des hommes aux tables des cafés animent la scène. La fraîcheur du soir qui vient doucement…
Hôtel Matmata
On renonce aux dortoirs sous-terrains des hôtels troglodytes dont le confort précaire et l’hygiène incertaine ne peuvent séduire que des excursionnistes imbéciles arrivants directement des quatre étoiles de la côte. A ce prix, on aime autant avoir une douche dans la chambre. On dîne à l’hôtel d’un Xiéme plus un couscous en compagnie d’une taiwanaise qui, en général, termine un MBA à HEC mais qui, en ce moment, se promène toute seule avec les tunisiens en taxis louage. Total respect.
Dans la soirée, des jeunes allemands débarquent
d’un kat-kat et boivent bruyamment de la bière autour de la piscine (vide et
poussiéreuse) jusqu’à tard dans la nuit. Finalement ulcéré, je sors et, de
quelques mots d’anglais, réduit au silence cette panzer division égarée. Rommel
se retourne dans sa tombe.
Vendredi
Djerba route touristique
Retour en car à Djerba via Gabès. Trois heures trente de route, c’est long, c’est fatiguant, mais c’est passionnant, d’autant que, comme d’hab, on se débrouille pour être au premier rang du car. Les paysages variés, le costume traditionnel des vielles femmes qui varie d’une ville à l’autre, les oueds asséchés, les troupeaux, les palmeraies… Le Maghreb en technicolor. Dommage que le contrôleur pue atrocement des aisselles durant les trois heures trente de route. Une longue langue de terre si plate, si morne que l’on se croirait au fonds de la mer puis le bac, les mouettes, le vent de la mer, Djerba.
Hôtel Strand
On galère en arpentant la plage touristique avec les sacs à dos afin de trouver un hôtel pour nous reposer les deux derniers jours. Heureusement, il pleut un peu. La plage est vide.
On découvre finalement l’hôtel Strand. Un peu décati. Presque vide. Une petite piscine non poussiéreuse remplie d’une vraie eau liquide et bleue. La rare clientèle se compose de vieux allemands écolos bien élevés. Les serveurs ne parlent qu’allemand. Pas d’animation. Des fleurs. La chambre la plus proche de la plage de toute l’île. Une vue magnifique sur les roseaux, le sable et les vagues. Le bonheur.
On se pose.
Samedi
Djerba route touristique
Journée tranquille. Yoko est ravie de ne pas prendre le bus.
Jus de fruits au Sofitel. Architecture sobre et décoration superbe. On regarde les riches s’observer mutuellement autour de la vaste piscine.
Coca au Paradise. Architecture clinquante et décoration ridicule. On regarde les pauvres s’observer mutuellement autour de la vaste piscine.
Retour au Strand. Architecture incertaine et décoration inexistante. On s’observe mutuellement autour de la petite piscine
Le soir, on visite en voisins le casino Partouche. De longs couloirs de marbre. Un restau en haut d’un vaste escalier. On y croise soudainement tout un groupe de ploucs en costards endimanchés qui arrivent pour ce qui semble être LE dîner de la semaine. Dans le lot un égaré mal informé en pull de montagne et en tennis essaie de se faire oublier. Il à l’air assez mal à l’aise… Sa femme semble furax et la fin de sa semaine de vacances compromise. Que de misère ! Ca manque un peu d’authenticité. Mais que de misère !
Une mezzanine domine les salles de roulette. Une seule table fonctionne. Rien ne va plus ! Le zéro sort... On rentre en taxi.
Dimanche
Dernière matinée. Dernier bain, dernière promenade.
A l’aéroport c’est le joyeux bordel des grands jours.
On décolle avec deux heures de retard. A l’arrivée les ploucs n’applaudissent plus. Ils sont fatigués, ils sont brimés, ils bossent demain.
On attends le bus sous un cerisier. Il fait beau, l’air sent bon, c’est le printemps !
Paris
Dépenses a deux tout compris pour une semaine:
Avion : 2 ×70 =140 € (by internet)
Taxes d’aéroport : 2 ×30 = 70 €
Change : 206 puis 150 €
RER 4 billets : 40 €
Total: 600 € pour deux
Qui dit moins ?